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Encore

Hakan Gunday

Traduction: Jean Descat

Edition: Galaade (broché) / Livre de poche

Prix: 24 euros (broché) / 8.10 euros

Où?Le livre de Poche / Place des libraires

371 pages

Prix Médicis étranger

Offert en tant que juré du Prix des lecteurs 2017

Encore
Encore

Encore fait parti des livres dont on ne sait pas si on a aimé ou pas. Explication...tiraillée entre fascination et répulsion, ce roman traite tout d'abord d'un sujet grave: le trafic d'être humain. D'autant plus actuel, il expose le passage des clandestins vers des destinations européennes. Ce qui rend le roman atypique n'est pas tant le thème mais le regard interne du protagoniste principal: il n'ai pas clandestin mais tortionnaire. Et au commencement ce tortionnaire à 9 ans. Il faut alors s'accrocher car il est juste impensable qu'un enfant soit confronté au quotidien à autant d'ignominies. Il est juste inacceptable que sa personnalité et sa jeunesse se soit forgé dans un monde aussi cruel et insensible. Mais il est surtout insupportable de penser qu'un enfant soit un bourreau.

En Turquie au bord de la mer Egée, à 9 ans, Gazâ premier de sa classe aurait pu avoir une vie pleine de rêves et d'espoir. Mais le destin en décide autrement ou plutôt son père car celui-ci, passeur de clandestins, initie son fils au labeur d'une vie et sa triste réalité. Loin de s'apitoyer du sort des malheureux, Gazâ nous explique d'un regard dépourvu de sentiments son rôle au sein de cette industrie. Mais un jour en causant la mort de Cuma, un Afghan, sa conscience se fissure pour le rattraper toute sa vie jusqu'à le mener à la folie. Cuma, en lui offrant une grenouille de papier, ne se doutait pas qu'elle serait l'incarnation de sa culpabilité. Un dialogue s'établit entre eux, comme un examen de conscience, à des moments clés de sa vie.

 

"C'est vrai, je ne les aimais pas. J'avais même parfois du mal à accepter leur existence. Parce qu'ils n'étaient pas seuls dans cette citerne. Ils ne se rendaient eut-être pas compte, mais j'y étais enfermé moi aussi. Ma haine restait en moi, bloquée juste derrière mes lèvres."

 

En entreposant la marchandise humaine dans un dépôt, Gazâ aménage et expérimente au fil du temps une étude anthropologique sur les groupes qu'il détient jusqu'à leur départ. Sa rationalité justifiée par une nature sombre est pétrifiante. Fataliste et rongé par les circonstances de sa naissance, il lutte pour comprendre et s'absoudre de son comportement. D'ailleurs on peut souligner que le roman commence ainsi: "Si mon père n'avait pas été un assassin, je ne serais pas né..." Dans un second temps, sa vie prend une toute autre tournure après un accident de la route qui le plonge dans l'horreur du confinement. La survie change de camp...

 

"Si la peur de la mort est le sens de la vie, l'une des façons des se sentir immortel est d'exercer une autorité... Le sujet méritait réflexion et justifiait des expériences."

 

Rythmé par quatre définitions de techniques de peinture de la Renaissance, comme le Sfumato, qui définissent très bien la nature profonde de ce personnage, le roman marque une vie complexe ou la lumière et l'obscur se côtoient. Déstabilisé par la sincérité et la lucidité du personnage le lecteur est écœuré mais la force de l'auteur est d'en faire à son tour, un être meurtri . Loin d'un faire un martyre, il impose une réflexion sur la rédemption, la solitude pour réveiller une conscience. A travers des descriptions très dures, l'auteur condamne le lecteur à voir la noirceur humaine avec un style affirmé et sagace. Donc un bon roman qui m'a séduite dans un premier temps puis déstabilisé pour me laisser perplexe. Un thé noir et une tarte à l'orange devrait m'aider à y voir plus clair!

Lecture conseillée: Les terres dévastées, Emiliano Monge

Encore
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