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Le pingouin

Andrei Kourkov

Traduction : Nathalie Amargier

Edition : Liana Levi (broché) / Points (poche)

Prix : 19 euros (broché) / 10 euros (poche)

Où ? : Liana Levi

            Place des libraires

272 pages

Acheté en brocante

Le pingouinLe pingouinLe pingouin

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Conseillée par ma libraire préférée et ancienne collègue, Le pingouin est un livre étonnant et... complètement absurde ! D'une écriture concise, Andrei Kourkov propose une histoire un peu loufoque, un brin timbrée et absolument extravagante pour parler de solitude et de mafia dans une ambiance post-Soviétique. Comme un état des lieux d'un pays livré à lui-même, l'auteur a choisi l'humour comme arme de dénonciation. D'abord déstabilisant, le roman dévoile peu à peu ses qualités comme ses secrets. Alors oui, avoir un pingouin comme ami peu paraître bizarre surtout quand celui-ci est dépressif, mais qui l'est le plus entre Victor, son maître, et l'animal ? Entre nécrologies prenant vie, une enfant confiée et son pingouin mélancolique, Victor regrette presque son isolement...

 

A l'automne dernier, le zoo a offert ses pensionnaires affamés à tous ceux qui voudraient bien les entretenir. Justement, Victor se sentait seul depuis que son amie l'avait quittée, une semaine auparavant. Il y est allé et a choisi un manchot royal. Mais Micha a apporté sa propre solitude, et désormais, les deux ne font que se compléter, créant une situation de dépendance réciproque plus que d'amitié.

Un pingouin nommé Micha

A Kiev, Victor est en proie à une solitude pesante. Journaliste au chômage, écrivain sans grande ambition, il tente de survivre après la chute de l'Empire Soviétique. Après une déception amoureuse, il décide d'adopter Micha un manchot royal dont le zoo donne les pensionnaires affamés. Après avoir miraculeusement décroché un poste de rédacteur de nécrologies, la vie de Victor s'enthousiasme. Les "petites-croix" qu'il doit préparer pour d'éventuels décès, souvent de personnalités, se réalisent ! Fort de son succès anonyme, le rythme des décès s'emballe. Coïncidences ? Alors que Victor retrouve un quotidien correct, un certain Micha (pas le pingouin) lui commande une nécrologie pour un ami malade. De la naissance de cette amitié, Igor confie à Victor la garde de sa fille Sonia qu'il veut protéger d'un éventuel danger... Alors que Victor, Micha (le pingouin) et Sonia forment une famille recomposée, son patron l'informe que des hommes sont à sa recherche...

- Et pourquoi on me cherche ?
(...)
- Vois-tu..., le patron hésita, cherchant ses mots. Tu t'es vraiment bien acquitté de la tâche confiée par le journal... c'est à dire que tu as su placer dans les nécros tout ce que j'avais souligné.Et presque à chaque fois, outre l'énumération des péchés du défunt, il y avait une piste indiquant à qui pouvait profiter sa mort. (...) Mais malgré tout , nous avons fait du bon travail... et nous allons continuer. (...)
- Nous, c'est le journal ? demande Victor, perdu, tentant de se rappeler qui lui avait déjà parlé de "faire s'affronter" des clans.
- Pas uniquement, répondit Igor Lvovitch avec douceur. C'est moins le journal que quelques personnes qui s'efforcent de nettoyer un peu le pays...

Dépression et mafia

Alors que Micha le pingouin est le fil conducteur du récit, l'absurdité des situations n'entache en rien l'obscurité du roman. Sous son air de petit livre drôle, se cache la description d'un pays corrompu, rendu instable. Par un rythme lent, limite amorphe, la violence est présente tout en étant tournée de façon ridicule

Les sentiments humains sont également perçus à la même échelle. Alors que la solitude est un poids, l'auteur utilise la dépression dans le cas de Victor, comme un reflet de son pingouin. Malin ! En insistant sur ce point, Kourkov souligne la réflexion sur le métier d'écrivain et la solitude qui l'accompagne. Mais c'est surtout en dotant son protagoniste d'une naïveté sans bornes que le romancier joue avec le concept kafkaïen pour révéler l'absurdité des circonstances.

C'est à l'apparition de Sonia que tout va changer. En cassant ce quotidien morose, la fillette apporte de la fraîcheur à ce duo taciturne pour, pourquoi pas renouer avec le genre humain.

Porté par des scènes cocasses comme la représentation de Micha le pingouin lors d'enterrements ou l'explosion de mines près de datcha en signe de cambriolages, l'absurde atteint son paroxysme par la greffe du cœur de Micha. Ne comptez pas sur moi pour vous révéler les dessous d'une aventure rocambolesque

Soudain au dehors, une explosion retentit. Les vitres tremblèrent. Les deux hommes sursautèrent. (...)
- Vania, qu'est-ce qui se passe ? interrogea Serguei.
- Bah comme d'habitude, répondit le gardien, en dirigeant la lueur de sa torche à accumulateurs, semblable à une valisette, sur un corps qui gisait parterre. (...)
- C'est un gars d'ici. Il venait cambrioler, et il a sauté sur une mine. (...)
- Qu'est-ce qu'on en a à foutre ? répliqua le barbu. On est pas venus là pour jouer les témoins, non ? On va pas se gâcher le réveillon ! (...)
-Y'a qu'a le recouvrir de neige, tasser un peu, puis on verra... quand le Nouvel An sera passé..., répondit le treillis après une brève réflexion.

Entre litres de vodka et de poissons crus, l'impression d'un récit décousu et sans réel relief peut décontenancer, mais que nenni ! L'intelligence de Kourkov réside justement à trouver un équilibre entre le rire et le drame. Pas de coup de cœur, mais une irrésistible envie d'avoir un pingouin neurasthénique comme ami !

Je vous propose, évidemment, un verre de vodka et du poisson cru pour toute dégustation ! 

Lecture conseillée : Les pingouins n'ont jamais froid, Andrei Kourkov

 

 

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