7 Décembre 2019
Traduction : Margot Nguyen Béraud
Editions : Flammarion
Prix : 19 euros
Où ? : Flammarion / lalibrairie.com
292 pages
Acheté à la librairie Autrement
Personne ne les appelle comme ça, pense-t-il, en s'allumant une cigarette. Lui non plus il ne les appelle pas comme ça quand il explique le cycle de la viande à un nouvel employé. On pourrait l'arrêter à ce seul motif, et même l'envoyer aux Abattoirs Municipaux pour se faire transformer. "Assassiner" serait le mot exact, mais ce mot-là n'est pas autorisé. En ôtant son maillot trempé, il cherche à chasser cette idée persistante selon laquelle c'est pourtant bien ce qu'ils sont, des humains, élevés pour être des animaux comestibles.
Suite à la Grande Guerre Bactériologique qui a décimé la presque totalité des animaux, une pénurie de viande inquiète les autorités. Atteinte d'un virus mortel pour l'homme, aucune viande animale ne peut être consommée. De plus, scientifiques et gouvernements s'accordent à dire (à tort...?) que les protéines végétales ne comportent pas toutes les acides aminées essentiels. Alors, que faire ?
Après une panique mondiale où une partie de la population s'entre-tua pour se dévorer, où les immigrés, en masse, les marginaux et les pauvres disparaissaient mystérieusement, une légalisation fut prononcée. Désormais appelée "viande spéciale", cette nouvelle race crée à partir du génome humain sert de bétail.
C'est dans ce contexte désormais bien établi que débute l'histoire de Marcos Tejo, responsable d'abattoir. Meurtri par la mort de son nourrisson et délaissé par sa femme en deuil, celui-ci mène une existence sans saveur. Dégoûté par ce qui l'entoure, l'homme ne sait comment réagir lorsqu'un client lui offre une "femelle" et de Génération Pure s'il vous plaît ! Que va-t-il faire d'elle ?
Avec la volonté de bousculer dès les premières lignes, Agustina Bazterrica sait planter son décor. Avec ses courtes phrases, celle-ci réussit à souffler un vent glacial au relent nauséeux. De ce malaise grandissant, qui n'est pas sans rappeler La route de McCarthy, elle vient perturber notre conscience et notre moralité en exposant la crudité d'une situation aujourd'hui inenvisageable, et ça le fait grave !
A l'instar d'un stagiaire, on suit les déambulations de Marcos dans l'abattoir ainsi que les différents corps de métiers qui le compose. De cette observation glaçante, l'auteure révèle la révulsion presque physique du protagoniste face cette nouvelle forme de consommation, mais plus encore face aux comportements humains. Qui de l'Homme est l'animal ?
Critique de notre société de consommation, la primo-romancière soulève de nombreuses réflexions concernant la souffrance animale, avec en filigrane, l'actualité de nouveaux régimes alimentaires. Avec un sens du réalisme désarmant, elle questionne non seulement notre morale, mais surtout l'éthique en accusant subtilement gouvernements et lobbys.
En créant son propre vocabulaire, l'auteure a su créer un univers dénué de vulgarité en laissant la porte ouverte à l'étude du pouvoir, de la violence, et même de l'amour. De la précision de l'écriture à sa distance, comme pour mieux retranscrire l'atmosphère ambiante, la romancière a su écrire une allégorie lucide afin de bouleverser notre rapport à l'animal. Récompensé par le prestigieux prix Clarin 2017, ce roman mérite largement qu'on s'y attarde !
Livre conseillé : La route, Cormac McCarthy
Film conseillé : Okja, réalisé par Joon-ho Bong
Alors, autant vous dire d'emblée que j'ai un peu galéré pour trouver la gourmandise de ce livre ! Il me fallait quelque chose de froid et de sanglant, mais en pâtisserie, pas facile... Je me suis donc concentrée sur le côté esthétique et trouvé un œil ensanglanté qui n'est autre qu'une panna cotta au chocolat blanc et coulis de framboises. Dénichée sur le blog Cuisine Addict, je me suis laissé convaincre par la présentation originale de ce dessert comme vous pouvez le constater par vous-même !