19 Février 2017
Edition: Grasset (broché) / Le livre de poche
Prix: 19 euros (broché) / 7.60 euros
Où?: Place des libraires
288 pages
Acheté en librairie indépendante
L'histoire d'une admiration sans borne d'un fils à son père. Mais surtout l'histoire d'une violence physique et psychologique d'un homme envers sa famille, un homme fou, paranoïaque, raciste dont la raison a foutu le camp pour ne laisser place qu'à un esprit autoritaire et dénué de bon sens. Sorj Chalandon inspiré de sa propre enfance décrit, parfois, avec un humour décalé les sévices auquel il a été confronté et c'est là toute la force du roman, puis qu’à sa lecture on est assailli par différentes émotions; l'effarement, le rire, la peur mais aussi l'accablement.
Dans les années 60, André Choulans a tout fait dans sa vie: conseiller de Charles de Gaulle, footballeur, agent secret, prof de judo... Entraînant son fils, Emile, dans ses mensonges, il le manipule sans scrupules jusqu'à lui demander de participer à la l'Organisation de l'Armée Secrète (OAS) qui défend la présence française en Algérie suite à une intervention télévisuelle du président. Emile, narrateur d'une sensibilité et naïveté déconcertante est missionné par son père afin d'écrire sur les murs de la ville le sigle OAS. Comment ne pas croire son propre père? Figure paternel absolu, sacré et garant de la morale familiale? Ce jeune garçon sous influence est manipulé par les mots et surtout par les actes.
Au fil des pages, on découvre un homme violent qui réveille son fils en pleine nuit afin de façonner son corps au prix d'exercices physiques intenses, qui dès que les mauvais bulletins de notes arrivent déclenche la fureur, la violence et l'humiliation. Emile subit la tyrannie, le mépris et reproduit le même schéma envers un camarade de classe en l'entraînant dans la mythomanie paternel. Dans un dommage collatéral, ce fils va va s'enliser dans ses mensonges découvrant avec eux, ceux de son père jusqu'au point de non retour.
Dans l'ombre, un autre personnage subit également l'emprise de cet homme: sa femme. Cette femme, passive, soumise, est presque aussi coupable que lui par son inaction qui enrichit la parole de son mari par le silence. Protectrice inerte de son fils, elle représente la femme et la mère docile par excellence.
Par un style propre, le roman est d'abord porté par la voix d'un enfant, d'un adolescent puis d'un homme. Le regard enfantin dédramatise et donne une touche de candeur et d'humour au texte qui par la suite, reste sur le fil du rasoir où l'on pressent une chute d'une intense brutalité. Il s'agit d'un roman vif, dense et tumultueux qui nous entraîne dans un tourbillon sombre où on se demande comment la manipulation a pu aller aussi loin. Pour adoucir ce roman intelligent qui ne tombe jamais dans le pathos, je vous suggère une madeleine nature pour l'enfance et le chocolat à la cannelle pour le côté épicé des saveurs.
Lecture conseillée: Rien ne s'oppose à la nuit, Delphine de Vigan