17 Mai 2017
Catherine Banner
Traduction: Marion Roman
Edition: Presses De La Cité
Prix: 22 euros
Où?: Presse de la cité / Place des libraires
510 pages
Offert par l'opération Mass Critiques de Babelio
Ils se nomment Amedeo, Pina, Tullio, Maria-Grazia, Robert et j'en passe pour constituer la famille Esposito et nous narrer l'histoire de leur vie mais surtout celle de leur île: Castellamare. C'est le pari fou qu'a voulu nous conter Catherine Banner, une famille sur trois générations qui avec force, nous séduit à travers le soleil de l'Italie, nous enivre de parfums floraux et nous émeut par les drames, mais aussi les petits bonheurs qui se jouent. Voici un très beau roman où la vie d'antan faite de bric et de broc laisse place à la modernité dans un souffle où les générations se croisent. Un énorme merci au site Babelio de m'avoir fait découvrir ce roman dans le cadre de la sélection "Masse Critique"!
Le roman débute dès 1914 par le portait d'Amedeo, entre autre médecin et collectionneur d'histoires, orphelin, mais mué d'une volonté de fer. Cherchant toute sa vie un endroit où se poser, débuter une vie, il reçoit contre toute attente une réponse favorable à sa recherche d'emploi. C'est décidé, il sera le médecin de l'île de Castellamare, huit kilomètres carré, situés au large de la Sicile. En posant ses valises rien ne sera plus pareil... Il va devoir conquérir le coeur des habitants, se confronter au Comte d'Isantu, le régisseur notable de l'île, s'affranchir de la guerre et choisir entre deux femmes. Le début du reste de sa vie ne fait que commencer !
Après avoir choisi la femme qui partagera sa vie, un incident le destitue de son rôle de médecin au grand dam des habitants qui l'ont fait sien. Il décide alors de reprendre et de rouvrir le café de la maison au bord de la nuit. Les enfants suivent, les histoires mystérieuses faites de miracles et de merveilleux s'inscrivent dans son carnet et la vie de l'île continue son long cours au son des vagues, de la fête de Sant'Agata, de trocs et de parfums de fleurs. Amedeo laisse place à Maria-Grazia, sa seule enfant restée sur l'île après l'appel au front de ses frères. C'est elle qui reprend le café, la narration et mesure le roman d'une vie rythmée par les cancans des habitants où tout est prétexte à parlementer. Des malheurs et des miracles se succèdent sur cette île reculée où les croyances sont fortes et inébranlables. Une autre génération intervient et reprend le flambeau pour se confronter à la modernité du temps qui ne se fait pas sans quelques heurts. Mais l'amour de la famille, la solidarité et l'amitié sont légion sur cette île et promettent encore de belles histoires à compléter dans le carnet rouge d'Amedeo.
La guerre avait tout arrêté-et pourtant non, pas du tout, car c'était la guerre qui l'avait guidé jusqu'à elle. Maria-Grazia vacilla quand elle l'entendit choisir, pour décrire cette guerre, avec son italien fragile, les mêmes termes qu'elle y avait toujours accolés: un monstre sanguinaire, qui engloutissait des villes, des îles, des hommes. Elle n'avait produit qu'un unique bienfait en portant à Castellamare l'Anglais jeté à la mer.
Entre guerre et paix, amour et inimitié, bigoterie et croyance, ce roman ne nous raconte pas seulement des vies mais une île et un siècle. Le personnage principal est bien cette île où s'entrecroisent les vies qui l'ont auréolée de ce mysticisme, de ce charisme et cette beauté à toute épreuve. Cette île qui a accueillie la civilisation grecque et Romaine, puis des naufragés pour enfin bâtir sa propre vie aux couleurs des bougainvilliers et des trompettes de Virginie. La succession de générations n'est qu'une illustration de l'avancée du siècle avec ses malheurs comme ses guerres, la montée du fascisme, les trahisons mais aussi quelques notes positives par l'espoir, la modernité et les lois. L'auteure s'est penchée parfois avec longueur sur cette saga familiale pour souligner avec précision le rapport à la famille mais surtout à notre temps. Les personnages attachants aux caractères affirmés, justes et touchants font indéniablement la grande force du roman et tourne autour du thème des racines et de l'attachement à un lieu qu'il soit celui de naissance ou de coeur. Un opus à la sensibilité cinématographique où la chaleur transpire à travers le pèlerinage de la statue de Sant'Agata, au goût des boulettes de riz et l'odeur iodé. Évidemment, un café et un gâteau fort en cacao ne seront pas de trop à sa lecture!
Lecture conseillée: L'amie prodigieuse, Elena Ferrante