9 Août 2017
Durian Sukegawa
Traduction: Myriam Dartois-Ako
Edition: Albin Michel (broché) / Le Livre de Poche
Prix: 17.50 euros (broché) / 6.50 euros (poche)
Où? : Le livre de Poche / Place des libraires
224 pages
Offert en tant que juré du Prix des lecteurs 2017
Incroyablement poétique, Les délices de Tokyo est un roman tendre et savoureux où la cuisine fait la part belle à l'altruisme pour le plus grand bonheur du lecteur. Sous le charme de personnages attachants évoluant aux rythmes des saisons, Durian Sukegawa nous transporte dans un Japon à la fois traditionnel et moderne où le poids du passé continue à hanter un pays pudique et secret.
Sentarô, un homme au passé trouble travaille dans une échoppe où il prépare et vend des dorayaki industriel, pâtisserie japonaises à la pâte de haricots. Afin d'éponger ses dettes auprès de la propriétaire des lieux il travaille sans relâche pour changer de vie. Au rythme du cerisier qui surplombe la petite boutique le temps passe alors qu'il s'autorise à embaucher une personne pour casser sa solitude bercée par les allers et venus des habitués. Ainsi surgit Tokue une vieille dame mystérieuse, apparition presque céleste pour qui travailler pour Sentarô relève plus d'un rêve qu'une opportunité pécuniaire. Les deux êtres vont apprendre à s'apprivoiser et même s'apprécier grâce à l'apprentissage et la confection de la vraie pâte de haricots que Tokue maîtrise à la perfection. Mais la déformation des doigts de la vieille dame intrigue notre vendeur tout comme Wakana une lycéenne lunaire, habituée des lieux. Grâce au succès des nouveaux dorayaki, l'échoppe se remplit mais crée la défiance de la propriétaire qui perce le secret des mains de la vieille dame...
Petit bijou lyrique et aérien, j'ai aimé ce roman pour son aspect faussement léger, son mélange de tradition, de timidité et de respect typiquement nippon. Toutefois j'ai été surprise par le mépris des japonais envers une certaine classe de la population...ne comptez pas sur moi pour vous révéler quoi que ce soit à ce sujet! Se pencher sur le passé de ce pays à été une vraie source de découvertes mais la tendresse tout comme la sensibilité du récit est en opposition à l'intolérable cruauté de la société japonaise.
Moins séduite par la deuxième partie du roman plus descriptive, axée sur la préparation culinaire donc un peu plus ennuyeuse, j'ai néanmoins apprécier les métaphores du choix et de la préparation des haricots sur la vie, notamment celle de Sentarô en plein questionnement. Les trois protagonistes forment un trio étonnant, doux, où chacun se transforme progressivement en passeurs d'histoires puisque Tokue représente le passé, Sentarô le présent et Wakana, l'avenir. L'auteur à su tirer l'essentiel de l'Histoire pour développer une philosophie basé sur l'écoute et la solidarité. Au delà des mots, j'ai ressenti un véritable aspect cinématographique avec cette image du cerisier témoin du temps, la lenteur et patience culinaire, ces dialogues courts où les silences sont aussi importants que la parole. N'ayant pas encore visionné le film de Naomi Kawase adapté du roman, je ne peux que vous conseiller une bonne tasse de thé vert et un dorayaki pour apprécier pleinement cette lecture bouleversante.
Lecture conseillée: Ce que je sais de Vera Candida, Véronique Ovaldé