3 Octobre 2017
Margaret Atwood
Traduction: Michele Albaret-Maatsch
Édition: Robert Laffont (broché) / 10/18 (poche)
Prix: 25.80 euros (broché) / 8.80 euros (poche)
478 pages
Emprunté à la médiathèque
Il y a quelques mois, si vous vous souvenez bien, je vous parlez de La servante écarlate de Margaret Atwood. Je vous disiez ô combien ce livre est fantastique et visionnaire...et bien j'ai récidivé, oui je l'admet! Tombée amoureuse de sa plume, de son imaginaire, de sa capacité à déceler les travers de ce monde et les mettre en lumière, je me suis laissé tenter par un autre de ses romans qui, non seulement m'a mise une claque, mais à la faculté de dévoiler une image du monde grandissant tel qu'il est et sera. Glaçant!
Snowman est seul, il pense être le dernier homme. Soufflé par une pandémie mortel, le monde tel que nous le connaissons n'existe plus. Snowman, lui, l'a connu et nous raconte. Mais Snowman n'est pas totalement seul...il est entouré d’humanoïdes, les Crakers, aussi beaux et gentils qu'on puisse imaginer. Modifiés, ces hommes et femmes sont des copies améliorés de ce à quoi nous ressemblons. Le désir sexuel est supprimer afin d'éviter tout sentiment de jalousie, l'urine des hommes est naturellement dotée de propriété dissuasives pour les prédateurs sans oublier les ronronnements, comme arme de guérison dont ils sont affublés. Mais il semble qu'ils ne comprennent pas les différences physiques de Snowman, qu'ils vénèrent un certain Crake et une certaine Oryx... Cet homme seul révèle à l'aide de flash back sa vie d'avant mais ne se doute pas qu'il écrit son futur.
L'imagination. Les hommes ont la faculté d'imaginer leur propre mort, ils la voient venir et la simple perspective de l'imminence de la chose leur fait l'effet d'un aphrodisiaque. Un chien ou un lapin ne se comporte pas comme ça. Prends les oiseaux - en période de disette ils pondent moins ou ne s'accouplent pas du tout. Ils mettent toute leur énergie dans leur survie et attendent des jours meilleurs alors que les humains espèrent pouvoir coller leur âme dans une autre personne, une nouvelle version d'eux-mêmes et vivre éternellement.
J'avoue qu'au début je ne comprenais rien mais pas de panique La servante écarlate m'a fait le même effet. Donc je me suis accrochée et il ne m'a fallu que très peu de temps avant que l'auteure ne pique ma curiosité. Qui est Snowman? Les Crakers et leur obsession de Crake et Oryx? Comment en est-on arrivé à ce stade de désolation? Car le monde n'est plus qu'un vaste silence sans Hommes. On croise par ci, par là des animaux étranges, croisements entre deux espèces comme les louchiens et les porcons. Les vivres manquent sauf pour les Crakers qui se nourrissent de végétation si bien que Snowman décide de partir en expédition malgré le danger. La route à prendre est le bon moment pour se rappeler celui qu'il était, celui qu'il est devenu.
Roman de science-fiction, dystopie...on peut apposer différentes étiquettes au roman de Margaret Atwood mais pour moi il s'agit tout simplement d'un monde visionnaire. Visionnaire quant aux avancés technologiques et biologiques d'aujourd'hui qui feront le monde de demain, à travers les manipulations de masses et génétiques qui traduisent les dérives de l'Homme. J'ai ressenti dans cette plume, le fantasme de transposer notre humanité en créant des êtres supérieurs physiquement et intellectuellement. La question est de savoir pourquoi ne pas sauver notre propre espèce avant d'en créer une autre. Mais évidemment je ne peux en dire plus sans spoiler... L’égoïsme de l'être humain est à son paroxysme dans ce récit. Non seulement il s'agit d'un égoïsme défiant l'éthique mais aussi social puisque la population la plus pauvre se voit vivre en marge dans des "plébzones" alors que des privilégiés comme Jimmy "Snowman" dans des "compound". Fascinant, dérangeant mais surtout alarmiste il réunit beaucoup de thèmes cher à l'auteure.
Dans le village, ça ne s'appelait pas vente, cette transaction. D'après ce qui se racontait on pouvait croire à un apprentissage. Les enfants apprenaient à gagner leur vie dans le vaste monde: tel était le vernis qu'on mettait dessus. Et puis, s'ils restaient là où ils étaient, que trouveraient-ils à faire? Surtout les filles, dit Oryx. Elles se marieraient, u point c'est tout, et mettraient au monde davantage d'enfants qui seraient forcément vendus à leur tour. Vendus ou balancés dans la rivière où ils dériveraient jusqu'à l'océan: il n'y avait pas assez à manger pour tout le monde.
En passant par l'écologie, l'environnement, l'espoir et le désespoir, la romancière éclaire une dimension effrayante d'une réalité: la solitude. Son protagoniste est seul, malgré l'interaction avec cette autre vie humaine, il ne peut communiquer sur ce qu'il a connu et n'y arrivait déjà pas avant la catastrophe. Même en ayant les toutes dernières technologies, les relations humaines n'ont jamais été aussi disparates. Et si nous en prenions le chemin?
Bref, un roman écrit avec passion, documentation, d'un regard acéré sur nos sociétés. Je ne peux m'empêcher de penser que Margaret Atwood à un don pour piquer la réalité, la détourner pour mieux la révéler. Un écrivain indispensable...tout comme une bonne salade de fruits accompagné d'un thé glacé à la pêche!
Warning: Premier tome d'une trilogie!
Lectures conseillées: Le temps du déluge, Margaret Atwood
MaddAddam, Margaret Atwood
La servante écarlate, Margaret Atwood
Le meilleur des mondes, Aldous Huxley