Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Bakhita

Véronique Olmi

 

Edition: Albin Michel

Prix: 22.90 euros

Où?Place des libraires

456 pages

Offert par Babelio

Bakhita
Bakhita
Bakhita
Bakhita
Bakhita
Bakhita

Dans une période chanceuse, j'ai récemment gagné ce roman grâce à Babelio et pu enfin découvrir le roman dont tout le monde parlait, Bakhita. Sortie retentissante de la rentrée littéraire, c'est pour moi le premier roman de Véronique Olmi entre mes mains. Recevoir un livre de cette rentrée, super, mais découvrir une auteure, encore mieux! Au risque d'en décevoir certains, j'avoue qu'au début il a fallu me familiariser avec l'écriture de l'auteur qui est à la fois imagée et descriptive. Mais vite, je me suis laissée embarquer par cette histoire et ce personnage réel, à la vie folle, entre détresse et quête d'amour. 

Née à Olgossa au Darfour vers 1869, Bakhita ne s'appelle pas encore Bakhita. Cette petite fille vit une existence heureuse dans son village auprès des siens, où les chants se mêlent au travail de la terre. Malgré tout, la méfiance s'est installé dans les cœurs suite à une razzia qui laisse le village traumatisé, compter les morts et les disparus. Kishmet, sœur aînée de Bakhita compte parmi les kidnappés. A six ans, c'est malheureusement à son tour de subir le même sort et connaître les affres de l'esclavage. Marches forcées, violences et abus tout comme amitié et volonté rythment le quotidien de cet enfant. Jusqu'à sa rencontre avec le consul Italien à Khartoum qui change le cours de sa vie pour l'emmener en Italie. Là-bas, elle y connaîtra l'amour et la foi, y croisera des regards apeurés mais aussi la politique et la guerre.

Avec la caravane elles marchent sur cette terre du Soudan ouverte sous le ciel immense, et souillée par le troc et le trafic. Elles marchent et Bakhita comprend que le temps de la fuite est un temps perdu, le monde des esclaves est le sien, mais il y a toujours, pour la maintenir en vie, un espoir. Elles vont peut-être passer par leur village. Elles vont peut-être retrouvé Kishmet. Elles ne passeront pas leur vie sur les pistes, un jour la marche sera terminée, un jour il y aura autre chose, et autre chose ne peut pas être pire, le pire est déjà vécu.

De l'esclavage, beaucoup de romans en sont sortis. Attachée à l'Histoire de la Réunion le sujet ne m'est pas inconnu mais écrit avec tellement de force et de sensibilité comme Véronique Olmi, très peu. Le dur récit de cette période met toute l'horreur de la situation à la lumière de la plume de l'écrivain qui tente d'apaiser la réalité de la souffrance. Divisé en deux parties, tout d'abord de l'esclavage à la liberté puis de la liberté à la sainteté, y ressort plusieurs thématiques. Le temps de l'enfance avec l'arrachement et la désillusion, le temps de l'espoir comme celui de l'attachement et du renoncement. La question identitaire prend évidemment une place centrale mais aussi l'éducation qui entraîne le retournement culturel avec la domination de la religion comme source de réconfort.

Entre épisodes cruels et douloureux qui m'ont franchement glacés le sang, et poésie de petits rien, le cœur palpite à la lecture d'un personnage réel, victime des atrocités de pratiques censées révolues mais malheureusement encore d'actualité. N'apprendrons-nous jamais du passé? En évoquant les époques pour décrire un climat social et politique, Véronique Olmi en dénonce les dérives qui, finalement n'ont pas disparues mais se sont adaptées. 

Ceux qui lui ont demandé de raconter depuis le début ont calculé son âge en fonction des guerres du Soudan, cette violence qu'elle retrouvera ailleurs, puisque le monde est partout le même, né du chaos et de l'explosion, il avance en s'effondrant.

Sous couvert d'un portrait riche, passionné et sincère, la romancière évoque l'espoir sous forme d'amitié et d'amour. Cet amour, source à la fois de nostalgie et de fantasme, nourri Bakhita, comble cette peur de l'abandon pour enfin lui apparaître comme un refuge, tout d'abord auprès des enfants puis de Dieu. Mais quelques soient les épisodes de sa vie elle sera toujours considérée et associée à sa couleur de peau ainsi qu'à l'esclavage et c'est en ce sens que ce récit est bouleversant. A l'image de son langage, fait de dialectes différents, elle est et sera toujours Bakhita, la Moretta (la noire) et ce depuis qu'elle a oublié son vrai nom comme un synonyme de rupture des siens. 

Elle venait d'une Afrique réelle, et on allait lui demander de parler d'un pays inventé, sa mère l'embrassait la nuit, et on allait lui demander de raconter une Abyssinie de sauvages. Le discours officiel. C'est ce qui se faisait de mieux en Italie, la rassurance et l'espérance passaient par des voix simplistes qui s'adressaient directement aux peurs des peuples, la peur des autres. Ces barbares.

Pas un coup de cœur à la différence de la plupart des lecteurs mais il est vrai qu'on ne peut oublier de sitôt cette histoire qui illustre la vie de tant d'autres. Parfois un peu décousu, des passages de longues à de très courtes phrases pouvant déstabiliser, l'écriture est vite rattrapée par le style imagé qui raisonne encore dans l'esprit. Plus attirée par la première partie que la seconde plus ennuyeuse, ce roman reste toutefois vibrant et brillant. Comment terminer cette chronique sans thé? Impossible! Un thé vert Kusmi tea et un gâteau manioc viennent donc compléter le tableau si éblouissant. 

Lecture conseillée Tropique de la violence, Natacha Appanah

Bakhita
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article