30 Novembre 2017
Donald Ray Pollock
Traduction: Christophe Mercier
Edition: Albin Michel (broché) / Le Livre de Poche (poche)
Prix: 22 euros (broché) / 7.90 euros (poche)
Où?: Place des libraires
Emprunté en médiathèque
Après avoir longtemps hésité, passer devant à plusieurs reprises, j'ai enfin pris le temps de lire Le diable tout le temps. Mais pourquoi ai-je attendu autant de temps? Stupide, stupide Lili! Ce roman est tout ce que j'aime. Une atmosphère noire, de grands espaces américains pour de petites villes rurales, la religion comme moteur du vice et une écriture qui transcende la psychologie des personnages. Que demander de mieux?
Dans les années 50 dans une petite bourgade de l'Ohio, Arvin est encore un enfant de huit ans lorsque sa mère meurt lentement d'un cancer. Afin de guérir sa femme, son père Willard prie Dieu avec dévotion, quitte à multiplier les sacrifices d'animaux. Le sang éclabousse le "tronc à prières", dans la forêt attenante à leur maison. Malheureusement, le destin en décide autrement et convoque la mort pour planer sur la vie du jeune Arvin. Envoyer chez sa grand-mère, il ne se doute pas une seconde que sa vie est liée à tout jamais au lieu de son enfance. Parallèlement, un prédicateur et un musicien en fauteuil roulant commettent un meurtre, un couple traverse plusieurs états dans le but de ramasser des autos-stoppeurs tandis qu'un shérif corrompu bride d'une main de maître sa ville, étrangère aux drames qui sont en train de se jouer. De l'Ohio à la Virginie Occidentale, le mal se répand et dévaste tout sur son passage.
Quand du whisky ne lui coulait pas dans les veines, Willard se rendait à la clairière matin et soir pour parler à Dieu. Arvin ne savait pas ce qui était le pire, la boisson ou la prière. Aussi loin qu'il pût se souvenir, son père lui semblait avoir passé sa vie à combattre le Diable, tout le temps. (...) Même l'école avec tout ses tracas, valait mieux que ça. Mais on était samedi, et il n'y avait pas moyen d'y échapper.
Dans une ambiance moite où monte progressivement la tension, Donald Ray Pollock décrit un univers violent où les traumatismes de l'enfance résonnent comme une fatalité. Cette violence cachée, sous-jacente, pénétrant jusqu'à la moelle s'installe pour en y diffuser sa profonde noirceur qui n'est motivé que par le seul fait de la religion. La notion de châtiment et de rédemption au cœur du roman, symbole du péché de religion n'engendre que la folle frénésie de brutalité. Telle une boucle elle se nourrit de vengeance, produisant des meurtres comme dommages collatéraux. La mort rôde, la mort est une prédatrice redoutable.
Quand tous les soldats démobilisés seraient enfin arrivés à destination, il serait content de ne plus avoir à contempler ces imbéciles. Au bout d'un moment, la réussite des autres, ça vous pèse.
Roman sombre, j'aime beaucoup les grands espaces américains et notamment lorsque ceux-ci servent à la propagation du mal. Sombre et brutal, ce récit mêle avec brio l'évolution des différents personnages pour sombrer dans la bestialité et rendre inhospitalier leurs contrées. Féroce, il ressort de ce roman une moiteur palpable, ruisselant de sang et de larmes sans jamais juger les protagonistes. Donald Ray Pollock gagne à décrire avec simplicité l'enlisement des vies pour y dresser des profils psychologiques impitoyables. Habilement écrit et intelligemment ficelé, c'est un coup de cœur! Coup de coeur oui, mais accompagné d'un thé Kusmi Tea "boost" et cupcake cerise/chantilly.
Lectures conseillées: Arrive un vagabond, Robert Goolrick
Le roi n'a pas sommeil, Cécile Coulon