13 Novembre 2017
Margaret Atwood
Traduction: Jean-Daniel Brèque
Edition: Robert Laffont (broché) / 10/18 (poche)
Prix: 22 euros (broché) / 9.10 euros (poche)
604 pages
Emprunté à la médiathèque
Après Le dernier homme, la suite avec Le temps du déluge qui marque le retour de Margaret Atwood dans ma PAL en attendant la suite et fin avec MaddAddam. Lecture riche d'informations et d'observations, son auteure dissèque de son œil visionnaire le monde qui nous entoure pour nous conter une histoire non pas de fin du monde, mais la résistance de l'humanité à l'extinction. Toujours dans la ligne directrice d'une société malade, elle utilise la même structure tout en apportant plus de personnages pour enrichir afin d'expliquer. Plus féministe, un peu plus complexe, ce roman parfois un peu long reste une vraie prise de conscience du monde vers lequel, malheureusement, l'homme se tourne.
Nous avons fait tant d'efforts pour nous élever au-dessus de notre condition que nous sommes tombés de bien haut, et que nous n'avons pas fini de tomber; car, à l'instar de la Création, la Chute elle aussi se poursuit. Une chute dans l'avidité: pourquoi pensons-nous que tout sur Terre nous appartient alors qu'en réalité c'est nous qui appartenons au Tout? Nous avons trahi la confiance des Animaux et failli à notre mission sacrée de gardiens de la Terre. (...) Nous prions pour ne pas succomber à la fierté en nous considérant comme des êtres exceptionnels, les seules Créatures de Dieu dotées d'une Âme; en nous imaginant dans notre vanité comme supérieurs aux autres formes de Vie, et en détruisant celles-ci à loisir, en toute impunité.
Toby et Ren toutes deux rescapées du Déluge des Airs prédit par Adam Premier, chef spirituel du groupe les "Jardiniers de Dieu", doivent survivre parmi les espèces transgéniques comme de la solitude. En détaillant la controverse de l'aspect éthique dans le premier opus, celui-ci revêt un aspect plus sociologique en décrivant une société inégale. Ren et Toby nous racontent a tour de rôle leur venu dans ce groupe végétarien à l'encontre d'une société de consumérisme, leurs actions et le cataclysme. Chacune retranchée dans un bâtiment, elles ne savent pas qui est vivant, qui à succombé à la catastrophe naturelle comme de la pandémie. Une chose est sûres, elles sont vivantes et tiennent à le rester quitte à mettre en doute leurs convictions. Vont-elles se retrouver? Combien de rescapés restent-ils? Quel est le lien avec le personnage de Snowman du premier tome?
Bientôt surviendrait une hécatombe qui ravagerait l'humanité, coupable de perversité et de surpopulation, mais les Jardiniers en seraient exemptés: (...) grâce aux réserves de nourriture qu'ils accumulaient dans des cachettes baptisés Ararats. Quant aux embarcations qui leurs permettraient de survivre, il s'agissait ni plus ni moins d'eux-mêmes, chacun devenant une Arche abritant ses Animaux intérieurs, ou à tout le moins leurs noms. Ainsi pourraient-il ensuite faire refleurir la Terre. Ou quelque chose comme ça.
Contrairement au premier tome qui se déroulait dans les Compounds, lieux de vie et de recherches pour plus riches et marquait ainsi le confort, celui-ci se passe en pleine plébzones, c'est à dire bidonville. Le frappant contraste entre la description des environnements respectifs, l'attitude des personnages et leurs interactions mettent le doigt sur le déséquilibre vers lequel nous tendons. Le nombre grandissant de personnages apportent différents points de vue et permettent une meilleure vision, grâce au récit de l'avant catastrophe, des symptômes d'une société suicidaire. Ce roman très actuel pose la question sur la voix que nous empruntons en tant qu'humain. Voulons-nous participer à ce déclin? Etre complice non seulement de ces inégalités mais du manque de moral vers lequel se dirige le globe? Entre dérives technologiques, matérielles, alimentaires, sectaires, policières et médicales, elles sont autant d'échos au présent.
Structure intéressante avec des chapitres inhérents au rythme des journées définies par la célébration d'un Saint comme Stephen King, Diane Fossey... Margaret Atwood écrit une satire et dénonce aussi le rôle des femmes par les femmes pour en dégager leur force. Par ailleurs j'ai beaucoup aimé l'exposition que fait la romancière de la religion en l'y associant à des sectes ou groupuscules plus ou moins dangereux. Les doutes qu'inspirent la spiritualité aux deux protagonistes reste un acte fondateur à la religion et poussent à la réflexion de l'espoir mais plus encore, la remise en question d'un Dieu barbu au profit d'un Tout.
Mais devons-nous considérer comme scientifiquement fondé le récit selon lequel le monde a été crée en six jours, en faisant fi de toutes les données observables? Dieu ne peut être confiné à l'étroitesse des interprétations littérale et matérialiste (...). Contrairement à d'autres religions, nous n'avons jamais cru qu'il nous incombait de mentir aux enfants en matière de géologie.
Malgré quelques longueurs et quelques soucis de compréhensions sur le fonctionnement et objets de cette société, le roman est limpide de résiliation. Qu'elle soit matérielle ou sociologique, cette accusation est intelligente, documentée et frémissante de réalisme. Le constat est terrifiant ! Un thé noir des fêtes de Betjeman & Barton suivi de cookies au sarrasin semblent appropriés pour ce retour à la nature.
Lectures conseillées: Le dernier homme suivi de MaddAddam, de Margaret Atwood
La servante écarlate, de Margaret Atwood
Anna, de Niccolo Ammaniti
Le grand secret, René Barjavel