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Je mourrai une autre fois

Isabelle Alonso

Edition: Héloïse d'Ormesson (broché) / Pocket (poche)

Prix: 19 euros (broché) / 7.40 euros (poche)

Où?Pocket

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Offert par Lecteurs.com

Je mourrai une autre fois
Je mourrai une autre fois
Je mourrai une autre fois

Nouvelle année, nouvelle auteure. Grâce à Lecteurs.com que je remercie, j'ai eu la chance de découvrir la plume engagée d'Isabelle Alonso dans un de ses derniers romans, Je mourrai une autre fois. Roman politique et social il s'en dégage, en plus d'une force civique, une sphère intime traduit par cette famille républicaine convaincue. Ca commence comme une histoire racontée au coin du feu pour évoquer la chaleur puis instaurer la peur et enfin déclencher la fureur. La guerre c'est moche, mais l'impuissance encore plus.

Une histoire espagnole

Angel Alcala Llach, alias Gelin, pose les yeux du haut de ses 90 ans un regard panoramique sur l'histoire familiale et celui de son pays. Des années 20 à l'aube de la Seconde Guerre Mondiale, de Valencia à Madrid en passant par la France, il se raconte pour mieux dépeindre l'Espagne en proie aux changements politiques. Aîné d'une famille de quatre enfants, il vit une existence heureuse et fantasque bercée par les convictions politiques parentales : la création d'une vraie et grande République. Socialiste, communiste ou anarchiste qu'importe, le salut viendra du peuple ou ne viendra pas ! Privé de scolarité il n'en demeure pas moins éduqué, soutenu par des parents curieux et cultivés, aimé d'une fratrie complice. Mais voilà, après le temps de l'insouciance la guerre est au pas de leur porte, balayée par le vent de l'incertitude. A quinze ans, Gelin et sa conscience politique pointue s'engagent côté républicain, de l'autre les fachas avec à leur tête un certain Franco...

La seule religion que mon grand-père, le credo dans lequel il plaçait tous ses espoirs de voir l'Espagne devenir un pays moderne, était l'éducation. L'éducation ferait de chaque enfant l'artisan d'un pays libre, lavé de ses archaïsme, un pays propre et neuf.Il s'était trouvé un deuxième mentor, juste après Blasco Ibanez, en la personne de Francisco Feerer Guardia, un pédagogue libertaire très en avance sur son temps, que l'Europe entière tenait pour un génie et que son propre pays ignorait.

Le temps de l'espoir...

Famille solaire et politiquement engagée, Gelin partage dans un premier temps son enfance auprès de celle-ci. De l'histoire familiale paternelle et maternelle, on en retient les fratries, la fierté et bien sûr la rencontre décisive entre ses deux parents. Reviens également la région de Valencia chère à leurs cœurs, l'amour des balcons et la devise du couple : carpe diem. Mais ce qui m'a le plus émerveillé dans ce rappel des souvenirs est l'éducation donnée, dans la continuité des pérégrinations au fil des villes habitées. Dans un désir de laïcité, ses parents lui ont inculqué le goût de la culture comme ceux d'ouverture et d'égalité

Avec beaucoup d'humour Isabelle Alonso décrit des situations domestiques drôles, des sentiments contrariés et rend à l'Espagne sa luminosité, à l'image de ses racines et l'amour de son pays.

Oui, mais tout ne se déroule pas comme prévu. Alors que les victoires s'enchaînent, suppression d'une monarchie au profit d'une République et droit de vote des femmes, le pays sombre peu à peu dans le marasme politique pour basculer dans ce qui deviendra une dictature. Des joies de la famille Llorca, l’inquiétude sonne le glas de l’insouciance.

Les Républicains, dans leur illusion démocratique, n'avaient pas conscience de la profondeur de la haine. Ils n'imaginaient pas avoir affaire à des assassins prêts à massacrer la moitié du pays, à faire couler des rivières de sang, à jeter le peuple dans la misère et le désespoir, plutôt que de partager le pouvoir et de respecter les urnes. Parce qu'il est des crimes qu'on ne peu concevoir que quand on les a sous les yeux, et qu'il est trop tard.

... et du désespoir

La perte de l'innocence par l'engagement militaire voilà comment le paysage rassurant de Gelin va voler en éclats. Alors qu'il n'a pas l'âge requis et contre avis parental celui-ci, mû par une volonté sans faille, décide d'en passer par les armes. Un récit de guerre, mais surtout un récit de la violence comme témoin de la folie des hommes et des extrêmes. Isabelle Alonso rapporte cette fois-ci non pas le quotidien d'un enfant choyé, mais celui d'un enfant trop jeune pour connaître les affres de la guerre. Dur et sale il y côtoie le sang et la disette, mais aussi et contre toute attente les rencontres et le partage. De cet épisode, j' y retiens le passage de la frontière française et l'humiliation du camp de concentration, des poux, des tiques et d'une faim de loup.

 

Des journaux français nous qualifient de "hordes rouges", "bandits sans foi ni loi", "dangereux", "brutaux", "qu'il convient d'expulser sans tarder". Mais qu'ils nous expulsent une fois pour toutes! Qu'est-ce qu'ils croient, qu'on est venus ici de notre plein gré? Qu'on apprécie leur sens de l'hospitalité? (...) Qu'est-ce qu'on fait là sur cette plage qui se réchauffe à mesure que notre espoir refroidit? Comment sortir d'ici, Comment sauver ce qui peut l'être? Le temps se dilue dans une attente imprécise, un marasme sans consistance, une tension que seul le rire soulage. Un rire qui fait mal au ventre.

La romancière partage un récit imagé et précis, tantôt sombre et lumineux, le regard doux de celle qui le porte sur l'héritage familial. La sensibilité historique d'un pays a porté de plume. J'ai hâte de savoir si Gelin va enfin rentrer chez lui, hâte de savoir dans quel état il va retrouver sa patrie et surtout quel sera son rôle au sein du parti! Eh oui comme vous pouvez vous en douter, Isabelle Alonso n'a pas fini de nous conter la petite et grande histoire puisque est paru depuis septembre Je peux me passer de l'aube, qui nous laisse aux portes de 1939...   Vous aviez cru que je vous laisserais comme ça, sans gourmandises ? Evidemment que non ! Aujourd'hui sera placé sous le signe du sucre: churros et horchata.

Lecture conseillée: Pas pleurer, Lydie Salvayre

 

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