20 Avril 2018
J.P. Delaney
Traduction : Jean Esch
Edition : Mazarine (broché) / Le Livre de Poche (poche)
Prix : 21.90 euros (broché) / 8.40 euros (poche)
Où ? : Mazarine Editions / Place des libraires
422 pages
Emprunté à la médiathèque
Parfois, j'ai l'impression que cette maison et notre relation à l'intérieur de cette maison, notre relation avec elle-même est comme un palimpseste ou un pentimento, et que nous avons beau essayer de peindre par-dessus Emma Mattews, elle ne cesse de réapparaître, à pas feutrés : une image floue, un sourire énigmatique qui se faufile dans un coin du cadre.
Après un drame personnel, Jane postule pour vivre dans une maison ultra moderne au One Folgate Street à Londres. Demeure truffée de technologies, Edward Monkford, propriétaire et architecte, impose à tous les aspirant locataires une série de questions personnelles et intrusifs pour avoir l'honneur de vivre dans le lieu. Passant l'épreuve avec succès comme Emma, la précédente locataire, Jane emménage dans la luxueuse maison dont il faut impérativement suivre les règles : pas d'objets personnels, pas de désordre... En apprenant la mort d'Emma dans des circonstances étranges et après avoir succombé, elle aussi, au charme de l'architecte, Jane perçoit le danger potentiel qui entoure cette maison. Sur les traces d'Emma, Jane se confond dans le personnage qui ressemble bizarrement à la femme défunte d'Edward Monkford...
De ce thriller, dont la manipulation et la paranoïa s'emparent, ressors un sentiment d'inachevé. Outre un scénario intéressant, j'ai comme eu la désagréable sensation que l'auteur ne savait pas comment clôturer cette histoire malgré une thématique maîtrisée. A créer une ambiance polaire, je suis restée de marbre face à des personnages inaccessibles. Comme une impression de rester en dehors et d'observer par le prisme des facultés de cette maison intuitive, des groupes sociaux évoluer.
Malgré tout, grâce aux courts chapitres alternant les voix d'Emma et de Jane, j'ai pu enfin entrer dans ce récit qui fait tout pour confondre les deux personnages. Et c'est ici que la manœuvre de l'auteur devient intéressante. Car si les deux jeunes femmes se ressemblent physiquement, elles ne le sont pas tout à fait psychologiquement jusqu'à leur entrée dans cette maison technologique. Je me suis aperçue à l'avancement de la lecture, ne plus savoir laquelle d'Emma et de Jane, j'étais en train de lire ! C'est en remarquant le nom des personnages précisé sur chacune des pages du maniement ingénieux du romancier. Manipulation des personnages, mais surtout du lecteur !
Au-delà de cette intrigue tortueuse et d'une psychologie élaborée, le One Folgate Street est bel et bien le personnage principal de ce récit. En traitant le rôle de l'architecture sur le corps et du rapport entre bâtiment et humain, l'auteur apporte des réflexions pertinentes sur les répercussions de l'environnement sur ses habitants.
(...) un dispositif architectural classique de compression et de relâchement. C'est un bon exemple pour illustrer le fait que les constructions d'Edward Monkford, malgré leur aspect révolutionnaire, reposent sur des techniques traditionnelles. Mais surtout, cela indique que l'objectif principal de Monkford est d'influer sur les sensations des personnages qui habitent dans ses réalisations.
Bien que J.P. Delaney offre une intrigue alléchante avec des personnages complexes, une trop grande distance m'a écarté d'une lecture plaisante. Tant pis ! C'est donc naturellement que j'ai laissé traîner mes affaires toute une journée comme un pied de nez à cette bâtisse intrusive, et toc ! (bon, j'ai rapidement rangé le désordre parce qu'il ne faut pas déconner non plus...)
Je me suis donc rabattu sur le thé blanc mangue / passion de la collection Lov de Kusmi Tea ainsi qu'une série de crêpes pour évacuer ma frustration !