4 Juillet 2018
Traduction : Florence Lévy-Paoloni
Editions : Editions Joelle Losfeld (broché) / Folio (poche)
Prix : 25 euros (broché) / 8.30 euros (poche)
Où ? : Editions Joelle Losfeld / Place des libraires
Offert par le site Lecteurs.com
Sligo m'a faite et Sligo m'a défaite, mais j'aurais dû abandonner beaucoup plus tôt cette façon d'être faite et défaite par les villes des hommes et m'occuper seule de moi-même. La terreur et les blessures de mon histoire se sont produites parce que, quand j'étais jeune, je croyais que les autres étaient les auteurs de mes heurs et malheurs ; je ne savais pas qu'on pouvait ériger un mur de briques et de mortier imaginaires contre les horreurs et les mauvais tours cruels du temps qui nous assaillent et être ainsi l'auteur de ceux-ci.
Sur le point d'être détruit pour être rebâti, l'institut psychiatrique de Roscommon en Irlande fait le point sur ces patients, notamment sur la plus vieille d'entre elle, Roseanne McNulty. Directeur de l'établissement, le docteur Grene, essaie d'évaluer son état afin de réhabiliter ou non sa patiente en société. Internée depuis plus de cinquante ans, comment sonder l'esprit de cette vieille femme, mais surtout comment connaître les véritables raisons de sa présence ? Débute alors une série d'entretiens entre les deux personnages dévoilant tour à tour leurs pensées intimes grâce à leurs journaux respectifs. De l'histoire secrète de Roseanne bâtie sur la joie comme la souffrance, de la triste vie privée du médecin, le lecteur est aspiré au cœur de l'Histoire dans tout ce qu'elle a de méprisable.
Résolument littéraire, cette fresque historique qui débute au XX e siècle se place au delà du simple roman. Témoin d'une époque peu glorieuse de l'Irlande tout comme Magdalene Sisters ou Le bal d'Anna Hope, celui-ci répond à un besoin d'en découdre avec l'Histoire. De l'emprise religieuse d'un pays divisé représenté par le sombre père Gaunt, aux conditions d'enferment, du statut social de la femme ou encore de la situation politique tendue, Sebastian Barry remet en contexte une époque trouble et belliqueuse.
Justement, du passé confus de la centenaire dont le Dr Grene essaie de tirer le vrai du faux, des souvenirs fantasmés à l'exactitude des faits, le romancier balbutie à travers les phrases. A l'image du discours de Roseanne celui-ci explique, presque avec fatalité, une histoire sans doute banale à l'époque. Du style décousu qui m'a peu convaincu, j'avoue que la construction du roman m'a toutefois plu. Alternant entre journaux intimes de la pensionnaire et du médecin, l'auteur trouve ici l'astuce parfaite pour mieux comprendre les deux personnages et ainsi créer une proximité que je n'ai pas vu venir... Mais quelle est-elle ?
Qui avais-je pour m'aider ? Personne. (...) Comment se faisait-il que j'avais réussi à vivre dans le monde sans personne ? (...) Je fus pénétrée par le sentiment violent d'être de si peu d'importance dans le monde que personne n'allait m'aider, que les prêtres, les hommes et les femmes avaient publié un décret proclamant qu'il ne fallait pas m'aider, qu'il fallait me laisser affronter les éléments, exactement comme je le faisais, un animal qui marchait, abandonné.
De l'indignation à la colère en passant par la tristesse, mais aussi le soulagement, ce roman fait naître des émotions diverses, parfois contradictoires, mais toujours dans le but de rendre compte de ce qu'à pu être la réalité d'un siècle.
Récemment adapté au cinéma et désormais sorti en DVD, l'équation parfaite entre plaisir des yeux et....de l'estomac ! Qui dit ciné, dit grignotage et pour ce, j'ai choisis le quatre quart. Pourquoi ? Un peu rustique, comme la vie de Roseanne, simple et basique, il correspond parfaitement à l'image d'une population parfois affamée, d'une Irlande figée. On y ajoutera un peu de vanille pour le plaisir de le manger tout en buvant un rooibos à l'amande. A bientôt pour une nouvelle page livresque et peut-être...ciné ?