14 Septembre 2018
Editions : Gallimard (Collection Blanche)
Prix : 22 euros
Où ? : Gallimard / Place des libraires
Partenariat avec le site Fondation Orange Lecteurs.com
Kewei s'endurcit. (...) Mutique, il ne sortait de son silence que pour dire à quel point il détestait l'école. Xi Yan répondait que ça ne servait à rien, l'école, qu'on n'y enseignait pas comment devenir un bon paysan. Yongmin regardait tristement son fils. Il pensait au contraire que l'éducation était importante. Qu'il fallait que son fils apprît à lire et à écrire. Pour mieux savoir peindre et atteindre à la "Triple perfection" - alliage de la peinture, de la calligraphie et de la poésie.
Alors que la Révolution Culturelle est en marche, la collectivisation des terres bat son plein, flanquée de la famine qui va avec. En perdant successivement les habitants de son village jusqu’à son père, Kewei subit de plein fouet l’effet du Grand Bond en avant qui secoue la Chine sans perdre pour autant son attrait pour le dessin, au grand dam de sa mère. Et si ce don si souvent décrié, devenait un jour son salut ? Repéré par un garde rouge, Kewei est bientôt envoyé aux Beaux-Arts… Entre rééducation, gardes rouges et propagande, la vie du protagoniste n'est pas de tout repos. L’auteur écrit avec force de détails le basculement de cet être amoureux de dessin, peu à peu gangrené par un régime totalitaire, qui va perdre lentement ses racines.
Aimantée par l’enfance et l’adolescence du personnage, qui font la première grande partie du roman, je l’ai moins été par la suite. Tandis que le romancier en bousculant les émotions plante son décor rural au pied de l’Himalaya, les longueurs en milieu de roman ont eu raison de moi. Changements politiques, manœuvres et luttes de pouvoir prennent le pas sur les couleurs de l’enfance pour lentement détruire les idéaux d’un jeune prodige. Toutefois, l’espoir renaît avec la progéniture de Kewei, soumis aux bouleversements d’une nouvelle génération.
Transmission ratée, désillusions ou encore crise identitaire, ce vibrant portrait est bien plus qu’un hommage à toutes celles et ceux qui ont participés au « futur » chinois. Ici, la culture revêt ses plus beaux habits pour se débattre et exister par elle-même. Alors que l’art est relégué au rang de propagande, Paul Greveillac l’utilise comme témoin d’un temps passé pour expliquer. C’est donc avec lyrisme que la plume de l’écrivain m’a montré la tendresse, mais aussi la passivité de ce peintre au potentiel artistique mal exploité, trop exploité ? Des sentiments refoulés de Kewei, j’ai malgré moi ressenti une vague d’empathie envers cette vie soumise et décharnée.
Et si on poursuivait cette lecture en grignotant ? Alors non, pas de de clichés, point de gâteau chinois ou boule de coco, mais plutôt un gâteau simple et pas très fun à l'image de Kewei : le quatre-quart ! Twisté au citron ou à l'orange, pour les illusions perdus d'un enfant sacrifié au manœuvre politique.