16 Octobre 2018
Traduction : Marieke Merand-Surtel
Editions : Belfond (collection Le Cercle)
Prix : 21.90 euros (broché) / 14.99 euros (e-pub)
Où ? : Belfond / Place des libraires
324 pages
Service de presse NetGalley
Muse malgré elle du peintre Andrew Wyeth, Christina Olson est avant tout une femme que la vie n'a pas épargnée. Atteinte d'une étrange maladie enfant, celle-ci a dès lors des problèmes de motricité. Les membres raides, sa claudication attire les moqueries comme la solitude. Intelligente, Christina évolue dans la ferme familiale au rythme des saisons et des souvenirs d'aventurière de sa grand-mère. D'ailleurs, "la pièce aux coquillages" démontre la passion maritime de cette famille maudite par un lointain héritage du temps des "sorcières". En grandissant, elle va se confronter à la dure réalité de l'amour, mais aussi à ses rêves perdus, trahi par un corps dont elle est prisonnière. Entrecoupé par les visites d'Andrew qu'elle ne rencontre en 1939, le roman de Christina Baker Kline décrit une vie de champs et de labeur dont Christina est captive.
Il a bien réussi une chose : parfois sanctuaire, parfois prison, cette maison sur la colline a toujours été mon chez moi. Toute ma vie, j'ai été attirée par elle comme par un aimant, m'efforçant de lui échapper, paralysée par son emprise sur moi. (Il y a plusieurs manières d'être infirme, ai-je appris au fil des ans, plusieurs formes de paralysie.) Mes ancêtres se sont enfouis de Salem pour se réfugier dans le Maine, mais comme tous ceux qui cherchent à fuir leur passé, ils l'ont emporté avec eux. (...) Vous ne pouvez jamais échapper aux liens de votre histoire familiale, aussi loin que vous voyagiez. Et le squelette d'une maison peut porter dans ses os la moelle de tout ce qui est venu avant.
En débutant son récit par la rencontre entre Christina et Andrew, l'auteure remonte lentement le fil de l'histoire de cette femme à la vie simple et douloureuse. Elle y décrit avec détails l'évolution de cette enfant devenue femme, au courage et à la détermination sans failles, mais aussi la vie campagnarde et ses rituels. Ode à la simplicité d'un autre temps, à la nature et une certaine façon de vivre tombé en désuétude, la romancière tente d'expliquer la solitude imposée par ce personnage. De ces pages, j'ai apprécié l'évolution de Christina , sa force de volonté tout comme l'espoir d'une vie meilleure loin de la ferme, carcan domestique dont elle ignore encore la force de l'emprise.
Je suis tombée avec elle lorsqu'elle trébuchait sur ces jambes tordues, désespérée lorsqu'elle a dû interrompre sa scolarité et anéantie à son amour perdu. Les années se succèdent emportant celle qu'elle aurait aimé être.
Avec raffinement, il se dégage une intimité palpable dans l'écriture de la romancière. Avec douceur, elle rend compte du temps qui passe à la faveur de la muse. Plus sombre à mesure des années, elle continue de dépeindre, par petites touches comme le ferait un peintre, le monde rétréci de Christina. Présentée en début de roman comme la terre promise de ces ancêtres, cette maison en devient la prison de la protagoniste.
Touchant et sensible, ce roman un peu trop long mêlant réalité et fiction, à de quoi largement séduire. Alors pourquoi ne pas vous munir d'un thé et de bons cookies à la mélasse comme Christina et plonger dans ce roman à la délicieuse odeur des pois de senteurs ?
Merci à NetGalley et aux éditions Belfond pour ce voyage pictural et littéraire.
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