22 Mars 2019
Editions : Julliard
Prix : 19 euros
Où ? : Julliard éditions / Place des libraires
248 pages
Acheté d'occasion sur le Bon Coin
Son nom, on ne le connaît pas, mais quelle importance ? Nouvelle étudiante parisienne, notre héroïne se débat avec elle-même, et ce, depuis toujours. A peine quittée sa petite ville du Grand Est comme ses parents aux disputes incessantes, elle intègre l'université, elle, l’élève douée, l'élève silencieuse. Introvertie, à fleur de peau, celle qui a choisit de ressentir ne connaît pas encore les affres de l'amour ni celui du plaisir véritable. Jusqu'au jour où son regard croise celui de l'autre. Où l'irrésistible appel des corps dépasse la raison. Alors que notre narratrice découvre l'éclosion des sentiments et du plaisir de la chair, l'obsession amoureuse prend une tournure malsaine. Au rythme silencieux de la maladie qui s'empare de sa mère, le fracas de cette passion résonne avec d'autant plus d'intensité.
Je prenais des risques pour la première fois. J'étais seule, responsable, or je n'avais jamais été responsable. Mes parents l'étaient pour moi. (...) Les profs m'enseignaient. J'apprenais mes leçons. Je répondais aux questions. Je n'ai jamais rendu copie blanche. J'étais appliquée. J'étais l'élève, j'étais l'enfant ; et je n'étais pas responsable. J'existais par rapport à quelqu'un. En soi, seule, je n'existais pas. J'appliquais. Je n'avais pas envie car je ne connaissais pas mes envies. Partir ? Oui. Et après ? Il me manquait quelque chose, j'avais le choix. Je ne savais pas ce qu'il me manquait justement parce que je ne savais pas ce que je voulais. Je devais d'abord découvrir qui j'étais. Les envies suivraient. Nous étions au point de départ.
De cet amour obsessionnel, déraisonné, déraisonnable, j'ai tout d'abord été fasciné puis horrifié. Avec intensité, Loulou Robert relate l'amour fou d'une fille pour sa mère, d'une femme pour un homme, avec la capacité d'accrocher le lecteur dès les premières pages. Distillant les indices sur la face obscure de cette idylle naissante, la romancière impose un rythme de plus en plus effréné, où l'urgence de la situation asphyxie. L'amour comme une drogue, l'amour violent.
Plusieurs appels en absence. C'est toi. Tu es là. Ton nom sur l'écran. Je dois poser ce téléphone. Je dois réfléchir. Sans toi. J'éteins. Ecran noir. (...) Pourquoi il n'y a qu'avec toi que je me sente en sécurité ? Pourquoi il n'y a qu'avec toi que j'ai peur ? Je ne comprends pas. (...) Je n'ai pas l'esprit clair. J'ai du mal à respirer. Avec toi, toujours un poids dans ma poitrine. C'est noir. C'est tellement noir mon amour. (...) Sans toi, j'ai l'impression de mourir. Je ne me suis jamais autant sentie vivante. C'est grâce à toi.
De l’ambiguïté des sentiments, on y retrouve l'engrenage de la brutalité, mais aussi le jeu pervers d'un homme égoïste et narcissique. Comment se sauver d'une spirale destructrice quand on aime si fort ? L'écriture. Salvatrice, tout comme sujet d'envie, l'écriture est au centre de ce roman. Quelle soit cathartique pour notre protagoniste ou mordante pour notre auteure, l'écriture est forte et constructive. Révélatrice.
Pour ce coup de cœur, il me fallait une pâtisserie forte, une pâtisserie différente. Avec sa fleur de sel, les sablés diamants au sel me paraissent un choix judicieux face à ce défi. Accompagné du thé noir et relevé Tsarevna de chez Kusmi Tea, ce roman prendra toute la place qu'il mérite le temps d'une journée.