2 Septembre 2019
Traduction : Michael Belano
Editions : Nil
Prix : 22 euros
Où ? : Nil éditions / lalibrairie.com
429 pages
Acheté à l'Espace Culturel Leclerc
Docteure en neurosciences, Jean McClellan a passé la majeure partie de sa vie à se consacrer à son travail en laboratoire parallèlement à sa vie de famille. Mais ça, c'était avant. Avant la montée au pouvoir d'un groupe religieux fondamentaliste mené par la figure du révérend Carl Corbyn. Avant qu'on réduise peu à peu le droit des femmes. Avant qu'on les muselle complètement. Un an après le remaniement de ce gouvernement misogyne, Jean est toujours en colère non seulement contre cet état totalitaire, mais surtout contre elle. Pourquoi n'a-t-elle pas pris part plus tôt aux manifestations ? Pourquoi n'a-t-elle pas écouter Jackie, son ancienne coloc' de fac activiste ?
Aujourd'hui, mère au foyer comme toutes les femmes, Jean s'inquiète de l'avenir de ses quatre enfants, surtout pour Sonia, unique fille de la famille. Mais lorsque le président fait appel aux services de Jean suite à l'attaque de son frère, la docteure et son époux Patrick y voient l'opportunité de négocier une libération de parole pour elles deux. Derrière la proposition du révérend et du président, Jean va découvrir un terrible projet tout en se frottant à une résistance aussi discrète que radicale.
Angoissant dès les premières pages, Vox sait mettre le lecteur mal à l'aise. Aux fur et à mesure des pages tournées, les battements du cœur s'intensifient, pris en étau entre sidération et révolte. Bombe émotionnelle, les prémisses sont une épreuve pour la femme que je suis face à ce cauchemar réaliste. Mes yeux humides ont souvent luté à poursuivre cette lecture où le masque du patriarcat est à la fois intransigeant et obscène.
A six ans, Sonia devrait déjà être à la tête d'une armée de dix mille lexèmes, des fantassins qui se rassembleraient, se mettraient au garde-à-vous et obéiraient aux ordres de son petit cerveau encore malléable. Devrait, si les trois piliers fondateurs de l'éducation, la lecture, l'écriture et l'arithmétique, n'avaient pas été réduits à un seul : le dernier. Après tout, on attend de ma fille qu'elle sache un jour tenir un foyer, faire des courses et qu'elle devienne une bonne épouse dévouée. Pour ça, il faut simplement savoir compter, pas besoin d'orthographe . Ni de littérature. Ni d'une voix.
Avec simplicité, Christina Dalcher relate un avenir probable, nourrit d'un passé puritain dans lequel il s'est lentement faufilé. En comptant sur l'inaction d'une population assuré de ses acquis, l'auteure pointe du doigt notre confiance et nos faiblesses.
Impossible d'en arriver là me direz-vous ? Vraiment ? Il n'y a qu'a regarder l'actualité. Alors que les libertés n'ont jamais été aussi grandes, des hommes comme des femmes, s'indignent de cette même liberté. Liberté d'aimer, qu'importe le genre. Liberté de mouvement. Liberté de choix.
Dans cette atmosphère asphyxiante, Jean replonge dans ses souvenirs et lève le voile d'un mécanisme psychologique effrayant, révélant des méthodes pour le moins actuelles. De la manipulation de l'opinion publique aux droits lentement restreints, l'auteure dresse un constat implacable sur le patriarcat et ses dérives. De plus et avec habileté, celle-ci décrit l'ambition la plus intime de ces hommes, diviser et tuer la solidarité entre femmes pour mieux les modeler à leur image, et ce, en commençant dès le plus jeune âge.
Alors que les courts chapitres s'enchaînent, la dernière partie du roman laisse quelque peu perplexe. Laissant la place à de nombreuses scènes d'actions, le roman se termine sur une note rapide et brouillonne, me faisant passer de l'avidité à une légère déception. Frôlement de coup de cœur tout de même !
Lectures conseillées : La servante écarlate, Margaret Awood
S'il existait une pâtisserie qui dénoncerait le patriarcat, je serais la première à la déguster, croyez-moi ! Mais il me faut ruser pour trouver une gourmandise à l'image de cette dystopie... Et mon idée devrait vous plaire ! Je vous propose donc des petits-beurre au pamplemousse curd. Pourquoi ? Tout d'abord, l'acidité du pamplemousse devrai raviver votre conscience politique. Ensuite pour les messages. Imaginons que je remplace la traditionnelle marque "petits-beurres" pour faire passer des messages, disons plus percutants ? J'ai donc opté pour "A mort le patriarcat" (un classique) ou des messages plus personnels à quelques stupides personnalités de ce monde comme l'homme à la perruque blonde, sans citer personne. Ou encore celui pour qui le rose est réservé aux filles et le bleu aux garçons. Ou bien celle qui pense que les femmes volent le travail des hommes. Sans oublier cet élu qui récemment m'a dit en toute simplicité, de faire des enfants pour m'occuper la journée, ce qui fera certainement le bonheur de mon époux en attendant que les futurs mouflets voient le jour...