14 Mai 2020
Martin Reed, comptable, anti-héros de presque quarante ans vivant encore chez sa mère et à l’embonpoint confirmé, à la médiocrité et la poisse qui lui colle à la peau. Bref, sa vie n'est qu'humiliation et échec. Dernier camouflet en date : un godemiché collé sur son bureau à la super glue par une collègue attentionnée. Mouais... Mais par un malheureux concours de circonstances, il se retrouve accusé du meurtre de cette dernière. Entre en scène la déroutante, mais néanmoins perspicace inspectrice Albada. L'intuition pour flair, dès le départ l'inspectrice doute de la culpabilité de cet homme dont la chance fait défaut. Et tandis que le sort s'acharne sur ce pauvre comptable, ce n'est pas sa mère qui lui sera d'une grande aide. Bien au contraire... Castratrice et manipulatrice, la femme prend un malin plaisir à participer à l'avilissement de son rejeton.
Alors coupable Martin ? Ou simplement piégé par le hasard d'une vie morose ?
Au fond, que la vie de Martin n'ait pas changé d'un iota depuis le lycée, cela n'avait rien que de très banal ; d'ailleurs, son existence était tout entière placée sous le signe de la banalité, et la normalité avait toujours été son inatteignable horizon. Sa taille, son poids, son intelligence, tout en lui était moyen ; mais alors pourquoi donnait-il à ce point d'être toujours en dessous de la moyenne ? Grâce au ciel , il avait tout de même quelques atouts : un boulot stable ; une Toyota dont il avait presque fini de rembourser les traites ; une connaissance approfondie de l'univers des produits sanitaires. (...)
La mère de Martin était aussi peu satisfaite de son fils qu'il l'était de lui-même - voire plus encore.
Thriller humoristique, ce court roman de 138 pages est un truculent mélange des genres. Roman noir et satire sociale exacerbée par une savoureuse absurdité, ce livre est à contre-courant de la gravité de certains polars. Mieux encore, en reprenant leurs codes comme la sexualité débridée, la flic décalée ou les meurtres sanglants, Karin Slaughter se les réapproprient afin de les détourner, non sans un humour grinçant.
En faisant de Martin lui-même un lecteur de polars, elle use avec habileté de références au genre pour mieux en souligner le décalage. Malin !
Me faisant penser au personnage du Grand Blond incarné à l'écran par Pierre Richard, on se délecte du comique de situation et des quiproquos de Martin malgré son rôle évident de bouc émissaire. Rôle qui n'est pas sans rappeler l'univers impitoyable de chaque microcosme social, à commencer par l'entreprise.
Alors en cette reprise, ne soyez pas si dur envers vos collègues et si Jean-Pierre, votre collègue relou vous tape toujours sur le système, je vous conseille de lire, à titre de vengeance, Pas de pitié pour Martin !
Ci-dessous, retrouvez la version audio de cette chronique :
Avec un livre aussi décalé, il me fallait trouver une douceur pâtissière à sa hauteur. Quelque chose d'aussi original, à la forme et le fond aussi étonnant que ce drôle de roman. Pas facile. Et puis... les cakes en bocaux. Sous une présentation atypique ces cakes, au demeurant classiques, se révèlent sous un autre jour. Du duo de chocolats blancs et noirs, ces gourmandises en bocaux mettent bel et bien en évidence la dualité, mais pas l'opposition entre humour noir et polar. Savoureux !