6 Juillet 2024
Éditions : Dargaud
Prix : 22.50 euros
Où ? : Dargaud / Place des libraires
160 pages
Emprunté à la médiathèque
Il ne faudrait plus parler esclavage selon le RN. Ah oui, vraiment ? Comme l'insolence me sied à merveille, j'ai décidé de partager ma dernière lecture qui parle, je vous donne dans le mille, d'esclavage, ou plutôt d'abolition. Ne me remerciez pas, c'est cadeau !
Roman graphique de 160 pages, Vingt Décembre est une pépite drôle et terriblement instructive imaginé et créé par Appollo et Téhem, artistes complices et prolifiques vivant entre la Réunion et la métropole. Avant de devenir la terre du vivre-ensemble que le monde nous envie, La Réunion est passée, comme nombre d'îles, entre les mains sanglantes des colons et de l'esclavagisme. En fixant leur récit autour du véritable personnage d'Edmond Albius, esclave qui découvre le procédé de fécondation de la vanille, Appollo et Téhem tirent parti de l'époque pour nous raconter une autre histoire, celle de l'abolition.
En 1848, celle que l'on nomme encore l'Ile Bourbon, frémit au son d'une rumeur qui enfle. Parait-il que l'île sœur, Maurice, a libéré ses esclaves. Pire, le commissaire général de la République française, un certain Joseph Sarda-Garriga, est en route pour appliquer le décret de l'abolition ! Branle-bas de combat chez les petits et gros colons qui, comme vous vous en doutez, ne l'entendent pas de cette oreille...
Au centre de l'Histoire, celle d'Edmond Albius, illustre les changements d'une époque, une transition qui ne se fait pas sans heurts et ni sans injustices. La dernière trouvant place du côté des affranchis, spoliés de toutes compensations financières qui vont droit dans les poches des exploitants, blancs, il va sans dire. L'esclavage aboli, une autre forme de servitude débute. Le travail sous contrat, payé au lance-pierre, et l'arrivée des engagés venus d'Inde ou encore de Chine. Remplacer les esclaves par d'autres et exploiter, par la même occasion, la misère humaine.
C'est à travers ces bouleversements que l'on découvre la vie de l'illustre "esclave-botaniste" Edmond Albius, figure de l'injustice sociale, comme tant d'autres. Malgré sa découverte du procédé de fécondation de la vanille, il ne sera pas affranchi avant l'application du fameux décret, ne sera jamais rémunéré, et pire, jamais reconnu. La fortune de sa découverte remplissant les poches d'autres, ce dernier vivra une vie de misère, côtoyant la prison pour de petits larcins et finira sa vie dans l'anonymat total.
Étape par étape, Appollo et Téhem dressent donc le portrait de l'abolition avec l'humour qu'on leur connaît et avec la douceur du trait. Un roman graphique instructif et captivant avec, en fin d'ouvrage, un supplément documenté qui donne envie de s'informer et de creuser. Une fois de plus, les deux comparses signent non seulement une œuvre divertissante, mais surtout une œuvre qui s'inscrit dans un devoir de mémoire, n'en déplaise à certain.es...
Quoi grignoter à la lecture de cet excellent roman graphique ?
J'ai misé sur l'indémodable gâteau ti son (à base de farine de maïs) et son bon goût de vanille et d'anisette. À associer à un ti rhum pour les plus téméraires !