19 Septembre 2024
Editions : J'ai lu
Prix : 7.60 euros (poche) / 18.90 euros (broché) / 6.99 euros (e-book)
Où ? J'ai lu / Place des libraires
224 pages
Emprunté à la médiathèque
Sélectionnée pour le Prix Athéna 2023, j'ai grandement entendu parler de cette autofiction sans jamais avoir pris le temps de la lire. Un an après, le mal est réparé ! À présent, je comprends mieux l'enthousiasme de ma libraire préférée...
Dès les premières pages, le ton est donné, le style emporte, et je sais que je ne sortirai pas indemne de ce livre.
Lors d'une manifestation à Tunis, Pauline, la narratrice, est arrêtée. Pourquoi ? Ça, on ne le sait pas encore, même si quelques indices nous mènent sur la voix du féminisme. Française dans un pays étranger, celle-ci est incarcérée dans la prison de La Manouba dans laquelle elle décrit avec force et réalisme, humiliations comprises, son arrivée. Je vous épargne le trajet étouffant du poste de police à la prison, les fouilles des gardiennes, les vêtements d'emprunts imposés et les chaussons champignonnières en guise de sandales. La seule lumière dans ce mélange de peur et de chaos, un livre qu'elle peut emporter en cellule, Les Contemplations, de Victor Hugo.
Dans le Pavillon D, Pauline est confrontée à la promiscuité, à l'inconnu et aux vingt-sept femmes qui la regardent. De sa peur, mue par les clichés dont elle se défait peu à peu, elle apprend les codes de l'incarcération, s'adapte, mais surtout observe. Alors que l'autofiction permet de parler de soi, Pauline Hillier choisit l'inverse. L'héroïne de ce récit n'est donc pas elle, mais les autres. Ces vingt-sept codétenues avec lesquelles elle va se lier, d'amitié beaucoup, d'inimitié parfois, et pour lesquelles elle a un profond respect.
À travers ce nouveau quotidien, Pauline s'efface au profit d'une galerie de portraits émouvants et terrifiants, révélant l'insoutenable vérité. Toutes ces femmes, qu'elles soient voleuses, meurtrières, adultères et j'en passe, ne sont finalement, que les victimes de la violence de la société patriarcale. Toutes, sans exception, sont les invisibles que la société tunisienne ne veut pas voir et veut soumettre. Punies de s'être rebellées face aux coups, aux humiliations, aux injustices. Punies d'avoir aimé aussi. Punies d'être une femme surtout. À travers le stylo de l'autrice, leurs voix existent, jaillissent, leurs vérités éclatent.
Les Contemplées, regarde droit dans les yeux, sans complaisance, sans jugement, avec humour même, jusqu'à incriminer le regard nocif et absurde du féminisme occidental sur l'orient. Profondément humaniste, le récit s'articule autour d'une sororité salvatrice, malheureusement gangrénée par le pouvoir et la société des hommes, avec pour conséquence une "misogynie intégrée".
De ces 224 pages lues et dévorées, un furieux besoin de pleurer, gueuler, s'informer, s'engager aussi, prend aux tripes, avec l'envie de protéger et de défendre toutes les Bouthéina, Fuite, Warda, Fazia, Samira et la Cabrane du monde.
Dois-je préciser qu'il s'agit d'un coup de cœur ?
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Associant le livre lu à une pâtisserie, celle du jour sera évidemment tunisienne. Pour Les Contemplées, j'ai choisi les Kaaber ellouz, une gourmandise à l'image des personnalités hautes en couleur des détenues.
Boisson conseillée : un thé à la rose
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